On se dope pour vaincre les autres et soi-même.
On se dope pour parvenir à contrôler son développement musculaire (volume et/ou performance). On se dope pour atteindre un niveau de performance permettant de conjurer nos angoisses existentielles.
On se dope par peur de ne pas être.
Par peur d’être encore vaincu, humilié, exclu; par peur de compter pour rien dans le grand jeu des dominances qu’on nous impose socialement.
On se dope pour atteindre un état satisfaisant, un état gratifiant nous permettant JUSTEMENT de ne pas avoir à nous confronter à nos angoisses les plus profondes. On se dope pour se fuir. Pour ne pas avoir à contempler nos blessures, et à ressentir les émotions refoulées qui y sont liées.
On se dope pour exister, avec moins de craintes. Pour ne pas avoir à se poser de questions existentielles, pour ne pas avoir à se demander si ce qu’on nous demande d’accomplir est judicieux, moral, véritablement épanouissant.
On se dope parce qu’on ne sait pas quels sont nos véritables besoins, parce qu’on préfère les ignorer. On se dope par ignorance et parce qu’on désire rester ignorant.
On se dope par facilité : parce que le dopage existe et que la “course en avant”, aussi mortifère soit-elle, est préférable, pour un mouton, au questionnement intellectuel, spirituel, métaphysique.
On se dope parce qu’on préfère les réponses (toute faites) aux questions.
On se dope parce qu’on a peur des questions…
On se dope parce que l’on sent bien, confusément, que nos besoins les plus profonds, ceux dont il faudrait tenir compte, entrent en conflit avec les besoins que la société nous ordonne de satisfaire.
On se dope parce que les dominants authentiques, ceux qui dirigent véritablement ce monde, l’ont parsemé de petits podiums, nous ordonnant de nous battre entre nous pour espérer y grimper. Pour espérer une “médaille”…
On se dope parce qu’on veut un peu de cette dominance qu’ils nous laissent; parce qu’on pense qu’en se disputant ces miettes, on va enfin pouvoir jouir.
On se dope parce qu’on nous a mis dans la tête que la souffrance et l’auto-destruction sont le seul moyen de réussir.. de réussir sa vie et d’échapper à l’angoisse.
Parce que notre éducation fût violente, et qu’on ne nous a pas appris à nous en défaire, à vivre nos émotions douloureuses pour passer à autre chose de plus épanouissant.
On se dope pour fuir, en espérant se construire.
On se dope parce qu’on ne voit pas d’autres solutions, et qu’on a fini par être programmé pour obéir à nos conditionnements.
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Le petit texte ci-dessous a été inspiré par Muriel Salmona, spécialiste de l’enfance. On y retrouve aussi Joël Monzée, Catherine Gueguen, Alice Miller, Brigitte Oriol, Isabelle Filliozat (spécialistes de l’enfance et des effets des violences éducatives). Ainsi que Norbert Wiener, Edgar Morin, Gregory Bateson, Hannah Arendt, Heinz Von Foerster, Henri Laborit, Henri Atlan…
Tous références de la Méthode Lafay.
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Quand un enfant est soumis à des violences (coups, humiliations, peurs) , et qu’il ne peut gérer cela, qu’il ne peut pas “comprendre” ce qui lui arrive, il arrive un moment où la production d’hormones de stress (cortisol, toussa) est telle qu’il risque la mort.
Alors, vient la sidération/ déconnexion : il se déconnecte de lui-même pour ne plus “ressentir” et une (très grosse) production de substances calmantes (endorphines notamment) survient.
Il entre dans un état euphorique où il est déconnecté de lui-même… comme un drogué.
Plus tard, en grandissant, l’enfant sera confronté régulièrement à la “reconnexion” avec lui-même. Car le besoin d’évacuer revient par vagues plus ou moins fortes, et c’est en lien avec nos relations à l’environnement, aux autres. De nombreux évènements “appuient sur le bouton relançant les anciennes angoisses, peurs, souffrances, douleurs, humiliations”…
Alors, il adoptera des conduites à risque, des attitudes violentes envers lui-même ou envers d’autres.
La violence exercée sur un autre permet (aussi) de revivre d’une certaine façon la violence qu’on a subie, jusqu’à la déconnexion.
Bref, il s’agit d’une mise en scène pour parvenir à la production de substances calmantes en évitant l’explosion (le retour en conscience) émotionnelle qui ferait suite à la reconnexion avec soi, son passé de souffrance.
Ceux qui aiment humilier, faire souffrir, détruire, salir, et se faire mal à soi-même, ne savent souvent même pas à quel point cela est “dirigé” par leurs douleurs passées. Ils ignorent tout de leurs peurs, qui les conduisent à occuper leur vie avec la violence faite aux autres et/ou à soi-même.
Ils ignorent car c’est profondément refoulé, et que la reconnexion avec ses émotions est perçue comme un danger terrible, un danger d’une intensité inouïe.
Les tortures (à tous niveaux, physiques ou psychologiques) infligées sadiquement à des enfants ou adultes, les violences faites à soi, l’humiliation qu’on fait subir à des gens (ou à nos propres enfants) sont en fait une opération de régulation interne permettant (entre autres) de continuer à s’éviter soi-même.
On se débrouille pour sécréter notre dose de calmants…
Vous ferez aisément le lien avec la musculation No Pain No Gain et le dopage. Et avec l’éducation que vous avez reçue…
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En fait, nous sommes des machines biologiques, des systèmes biologiques, des “êtres machiniques” pour reprendre l’expression d’Edgar Morin.
Nous sommes des machines vivantes cherchant en permanence à se réguler pour survivre.
Ne pas le savoir, ne pas le comprendre, ne pas s’y frotter intimement, c’est se condamner à être menés par le bout du nez, par nos conditionnements, par nos besoins, par de faux besoins, qui étouffent les vrais.
Celui qui ignore tout de cela peut se prétendre “libre”. C’est justement parce qu’il est ignorant qu’il peut se dire libre…
En fait il est condamné à se faire du mal, il est condamné à la souffrance, et il la revendiquera fièrement (et connement) car il est tellement peu libre qu’il ne peut en fait voir les choses autrement.
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Olivier Lafay
Superbe. Bien amené.
Paulo Toug
What else!