(la haine des livres?)
Il est de bon ton, à une époque récente (21° siècle), où l’on crache sur l’intelligence pour lui préférer le culte du pouvoir, de rejeter les livres.
Comme “tout se vaut”, pourquoi se forcer à lire des livres, car c’est quand même fatiguant de faire cet effort intellectuel,, puisqu’on n’y trouvera pas la vérité “absolue”?
La “vérité absolue”, inexistante selon des personnes qui ne lisent jamais, et donc ne savent pas ce que peuvent renfermer des livres, serait l’excuse contemporaine pour fuir l’intelligence. Rappelons qu’avoir l’intelligence de quelque chose, c’est tout simplement le comprendre, pas forcément de manière absolue, mais… MIEUX.
Et donc mieux pouvoir agir vis à vis de ce “quelque chose” (qui peut être quelqu’un ou une notion comme l’amour par exemple).
L’absence, croit-on, de vérité dite “absolue” serait une excuse pour ne pas prendre soin de ce qui nous rend spécifiquement humain (la conscience et son empathie), pour juste se laisser vivre. Sans se rendre compte qu’en vivant ainsi, on se fait diriger par ceux qui savent exactement où nous emmener, et qui disposent de ce savoir, et de ce pouvoir d’après des livres, et c’est pas pour notre bien !
Car, OUI !, il existe dans certains livres des vérités absolues sur le comportement humain. ABSOLUES ! Et ces vérités permettent de le diriger à son insu. Et, parmi ces vérités, il existe la vérité absolue que faire croire aux gens que lire ne sert à rien les rendra plus dociles, plus arrogants et dociles, c’est vraiment le cas.
Amener les gens à se penser libres de rejeter l’intelligence est une manipulation perverse très efficace si on veut les gouverner sans guère de rébellion réelle.
Ces vérités, on les trouve autant dans Propaganda, ouvrage d’un grand maître à penser des manipulateurs politiques et économiques, que dans les ouvrages de Le Bon et Tarde, ayant très tôt étudié la psychologie des foules, que dans de nombreux ouvrages de psychologie, sociologie, anthropologie, biologie…
En fait, il n’y a qu’une généralité absolue au sujet des livres : sans lire, on est prisonnier de ses conditionnements, on n’a aucun recul et il faut donc impérativement LIRE.Ne pas lire, c’est passer à côté de sa vie à coup sûr. Ne pas lire, c’est laisser d’autres décider du déroulement de notre vie. et c’est même accepter ça en souriant, tant on est persuadé de “penser par soi-même’.Pour le reste, il serait aberrant de faire la généralité disant que la vérité absolue est dans des livres. Par contre on la trouvera avec certitude dans certains livres, comme avec certitude on ne la trouvera pas dans les vérités toutes faites d’un public non-éduqué.
Hannah Arendt affirmait que sans (se) penser, la conscience s’endort, et on devient facilement un monstre. Dans le sommeil de la pensée naissent les monstres…
Et pour (se) penser, il faut des livres. Cela n’a rien à voir avec le fait de regarder des vidéos youtube d’un vulgarisateur qui, ivre de pouvoir, ne maîtrise pas son sujet car son but premier est de produire du spectacle. Le rapport aux images est passif. donc peu profond et éphémère… Lire demande par contre un effort qui conduira à l’appropriation des contenus et donc à la transformation réelle de la conscience.
Clément Rosset, dans Le principe de cruauté, explique que la philosophie ne cherche pas à établir la vérité, mais à éviter les erreurs. Il parle d’hygiène mentale… Ce n’est donc pas la zététique qui réduirait nos erreurs, mais le fait de penser, et encore penser, sous bien des angles. Afin de mieux se comprendre et comprendre les autres, le monde, dans leur globalité, ou du moins en s’en approchant.
On sait depuis la querelle entre Popper (le maître à penser des sciences dites dures) et Habermas que l’approche mathématique et segmentée du monde, celle qui dissèque seulement le vivant, le réduit, mais ne relie pas, n’en donne qu’une vision partielle. On sait depuis cette querelle que Popper haïssait la psychologie, l’étude des motivations, et ce que cet homme a été un chantre du néolibéralisme. Penser de manière partielle construit les soumissions et un univers fondé sur le culte du pouvoir et le spectacle divertissant destiné aux gens castrés, c’est-à-dire la majorité. On le sait… quand on a suffisamment lu.
Il faut donc penser sous bien des angles, par bien des moyens, pour être plus humain et s’émanciper
Le Protestantisme, voulant un rapport immédiat à Dieu, a conduit à l’alphabétisation. Celle-ci a conduit à ce que les gens se pensent différemment, aient accès à la connaissance, à des idées politiques, au recul sur soi. Les statistiques montrent, et c’est sans appel, un lien direct entre la hausse de l’alphabétisation et la baisse de la natalité. Les femmes se sont mises à se penser, et à s’accorder une valeur, étant mieux éduquées et plus réfléchies.
Le Protestantisme est donc un tout premier féminisme et un féminisme réel, voulu par des… HOMMES !
Et par la religion. Oh merde !
Moi qui pensais que les hommes et la religion, c’était le Mal absolu…
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’émancipation passe par la lecture. Et il ne faut pas s’arrêter à l’alphabétisation ! Plus on monte en niveaux de lecture, plus on devient évidemment apte à mieux s’émanciper.
C’est bien pourquoi on constate depuis 20 ans une propagande insidieuse pour dévaloriser l’intelligence et ses supports.
Vous l’aurez votre gouvernement mondial !
Et le féminisme actuel, nourri de haine des hommes, de théorie du genre et autres incultures, nous y conduit. Un féminisme qui hait les livres…
Amusant de voir comment, depuis le protestantisme, le même mot ne veut plus vraiment dire la même chose.
Alors, Hannah Arendt, Clément Rosset, et des milliers d’auteurs dont la pensée nous recrée constamment et nous protège? Ou le nihilisme présomptueux et arrogant de ceux qui croient savoir et se font encore et encore, berner?
Parce qu’après tout, ce qu’on voudrait, et qu’on ne croit souvent plus possible, c’est être aimer.
Et en amour comme en bien d’autres choses, en politique comme en autodéfense intellectuelle, on ne s’improvise pas sachant.
Les maisons de retraite, les mouroirs pour vieux, sont plein de sachants si sachants, tombés une bonne fois de leur arbre perché.
Le renard est parti loin, bien loin, lui qui incitait à la pensée et la lecture.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.