Par Didier Reiss et Pascal Prévost, experts reconnus jusque dans les mondes explorés par Star Trek, et même au-delà.
°
La première chose à faire, si l’on veut parler de ce livre, est de passer le titre, qui sonne comme un peu sectaire (enfermant le lecteur dans un absolu) et prétentieux. Une bible, c’est un indépassable, au sens religieux…
Le mieux aurait peut-être été de laisser le soin aux lecteurs de décider si ce livre est réellement aussi complet qu’un enseignement religieux, et s’il se suffit à lui-même.
Il est vrai que le lecteur y trouvera de nombreuses études et assertions liées, qui auraient gagné à être contextualisées, afin d’éviter ce qui ressemble parfois, selon moi, à des généralisations quelque peu déconnectées de l’expérience de nombreux sportifs. Je pense notamment à l’emploi des tractions larges.
Dans l’Univers Lafay, certes très éloigné de l’entraînement No Pain No Gain ou Less Pain More Gain dont semblent se réclamer les auteurs, la « vérité » professée par ceux-ci sur les tractions larges n’en est plus une. Des dizaines de milliers de personnes peuvent en témoigner.
La question de la contextualisation est cruciale, et c’est le propre d’un féru de cybernétique de pouvoir remplir correctement cette tâche. Ainsi, en supervisant la rédaction de cet ouvrage, j’aurais pu apporter aux auteurs mon œil d’expert sur certaines assertions, valables avant tout dans leur contexte. Bien entendu, c’est sans prétention. N’importe quel membre de LDMT aurait pu effectuer correctement ce travail. Il suffit juste d’être un peu éclairé en cybernétique pour éviter certaines erreurs, qui vont malheureusement réduire le champ d’investigation des lecteurs, en leur instillant des croyances limitantes.
D’autre part, des lecteurs m’ont rapporté, non sans joie, que La Bible de la préparation physique fournissait de quoi prouver scientifiquement l’efficacité des séries longues pour se muscler. Heureusement qu’elles n’ont pas « prouvé » le contraire…
A-t-on vraiment besoin de prouver l’efficacité des séries longues, sauf face à des esprits bornés, étroits, qui sont incapables d’accepter ce que la réalité leur offre d’évidences ?
Cela fait bien longtemps que l’on sait que les séries longues sont efficaces. Ne serait-ce qu’en remontant aux entraînements de certains bodybuilders de l’ancien temps, comme Bobby Pandour. Les dizaines de milliers de transformations de physiques grâce à l’entraînement Lafay en sont aussi une preuve concrète implacable.
Et, il y a 30 ans, Jean Texier, célèbre bodybuilder et philosophe, expliquait qu’un tonnage effectué rapidement avec des charges légères donnait autant de résultats, si ce n’est plus, qu’un gros tonnage réalisé avec des charges lourdes en prenant son temps, et il prenait des exemples pour montrer l’efficacité des séries longues.
Mais pour certains sportifs, certes pas les plus fûtés, l’effet de la « blouse blanche » est déterminant pour leur faire accepter ce qui se trouve devant leurs yeux et qui malmène leurs croyances. Certains (beaucoup) ne voient que ce qu’ils croient. Et refusent tout le reste…
Et on a pu le constater même chez des enseignants en STAPS, pourtant titulaires d’un doctorat. Mais ceci (la soumission à l’ordre établi à travers l’obtention de diplômes) éclaire peut-être cela…
On ne devient pas borné par hasard et, pour certains, c’est même la récompense d’un gros effort, qui leur a pris des années.
Ce que je déplore également, à la lecture de cet ouvrage, c’est l’absence d’un mode d’emploi, d’une… méthode. Effectivement, si l’on omet (à tort) la question des contextes d’application, le lecteur semble ressortir bien savant de la lecture, à condition de se souvenir de ce qu’il a lu. Mais qu’en fait-il ? N’a-t-il pas fait que renforcer ses croyances prééxistantes à la lecture ?
C’est bien le problème d’une Bible. Le dogme transparaît sans cesse, mais le mode d’emploi pour une application positive est peu présent ou guère efficace. Et c’est bien pourquoi de très nombreuses personnes se sont détournées de la religion…
Une Bible enferme le lecteur dans des croyances, et aussi vrais que soient les éléments qui la composent, et dont elle se revendique, il n’y a guère de place pour la différence.
En témoignent les violences religieuses à travers l’Histoire : inquisition, St Barthélémy, massacre des indiens d’Amérique, massacre colonialistes en Afrique, etc.
Et c’est ce qu’a vécu la Méthode Lafay dans l’univers du fitness, et même plus largement du sport : rejet, violences diverses, tentatives de la faire taire, de la soumettre, de l’éliminer.
Et accusation de secte…
Oui, tout y est ! Quand un titulaire d’un doctorat, enseignant Chercheur en STAPS, traite une pratique alternative, aux résultats nombreux et fondée scientifiquement, de « secte », sans même avoir pris le temps de l’étudier, on sait que l’on vient d’éprouver la rigidité du système qui l’a amené là où il se trouve. Enfermement religieux plutôt qu’attitude scientifique ? Limitation des capacités d’investigation par les dogmes ?
Et, embrasse-t-il tous les matins la source de sa foi : la Bible (de la préparation physique) ?
Finalement, il pourrait bien y avoir cohérence, dans La Bible de la préparation physique, entre le titre et le contenu, une cohérence qui poursuivrait un but, qu’il soit ou non exprimé consciemment : la validation de l’ordre établi. Et peut-être même la récupération des différences à son profit.
De fil en aiguille, j’en arrive à ce qui m’a le plus intéressé dans cet ouvrage : la référence à Edgar Morin, auteur que je connais très bien, et le discours de cybernéticien que j’ai pu voir à un moment, dans ce livre, où l’adoption de « boucles » est énoncé.
J’avoue avoir été très surpris, car je suis le seul à avoir parlé de ces sujets, me faisant d’ailleurs copieusement insulter (philo de comptoir ont-t-ils tous dit)… et le texte « cybernéticien » (dans sa formulation) de ce livre ressemble énormément à ce que j’écris depuis 2004.
Comme je n’étais cité nulle part, j’ai approfondi un peu ma réflexion, et fait quelques recherches, afin de prouver certains constats.
Puis, il y a quelques temps, Didier Reiss a avoué sa méconnaissance totale de la cybernétique (screen en illustration de cet article).
Et ce fût un deuxième choc…
Et, récemment, Stéphane Morin et Fréd Hurlin, tous deux titulaires d’un doctorat en sciences du sport et enseignants en STAPS, ont déclaré que mes références ne valaient rien (Or Edgar Morin est une référence centrale chez moi) et qu’Edgar Morin n’a rien écrit sur la préparation physique, donc.. ce n’est pas une bonne référence.
Ils ont dit ceci tout en considérant que « La Bible de la préparation physique » est une référence majeure pour les sportifs…
Heu…
C’est pourtant dans ce livre qu’Edgar Morin est présenté comme référence…
Donc, Edgar Morin ne vaut rien si c’est Lafay qui en parle, mais est une référence si c’est Didier Reiss et Pascal Prévost qui le citent ?
Troisième choc !
Didier Reiss, et Pascal Prévost, dans leur ouvrage (La Bible de la préparation physique) font référence à Edgar Morin et nomment le livre sur lequel ils s’appuient : l’Introduction à la pensée complexe.
Alors, certes, il y a « Pensée Complexe » dans le titre, mais ce n’est pas l’ouvrage majeur de Morin. C’est même un ouvrage très périphérique.
L’oeuvre majeure d’Edgar Morin, c’est « La Méthode » (3000 pages très denses).
Dans la Méthode, Edgar Morin reprend toutes les références de la Méthode Lafay, dont Gregory Bateson et Heinz Von Foerster. Quand on connaît l’oeuvre d’Edgar Morin, on sait cela.
Et il propose un néologisme : la Sybernétique. Un terme qui est censé exprimer le passage de la première à la deuxième cybernétique et ses développements (Pensée Complexe et Dialogique, notamment).
Ce terme est repris sur certaines 4° de couverture des livres d’Edgar Morin. Donc toute personne s’intéressant vraiment à Edgar Morin sait que :
c’est une œuvre qui se réclame de la cybernétique ;
c’est une œuvre qui repose sur les mêmes référence que la Méthode Lafay (et pour cause).
Or, tenez-vous bien, Didier Reiss a reconnu sa méconnaissance de la cybernétique, des années après la publication de « La Bible de la préparation physique », dans lequel il cite pourtant un… cybernéticien, Edgar Morin, qu’il admire (forcément).
Plus fort encore !
Didier Reiss et Pascal Prévost citent Edgar Morin et le livre « Introduction à la pensée complexe ».
Mais ne ne voient pas le rapport entre cybernétique et sport, entre cybernétique et musculation…
Bon faites comme moi, ouvrez le livre et lisez (screen du passage en illustration).
Ne riez pas.
Dans ce livre, Edgar Morin lie « cybernétique » et « complexité ».
J’avais dit : « ne riez pas. »
Donc ces deux auteurs prennent comme référence un livre qu’ils n’ont pas lu. D’un auteur qu’ils ne maîtrisent pas.
Mais pourquoi ont-ils fait ça ?
Je pense que chaque lecteur attentif de la Méthode Lafay, de ses articles et références, saura répondre à cette question.
Arrivé à ce point de mon exposé, je préfère conclure, même si j’aurais encore beaucoup de choses à dire, et je vais vous soumettre ceci :
1 – On peut se demander, légitimement, comment ces auteurs ont pu écrire un texte « cybernéticien » dans leur livre, un texte qui ressemble énormément à ce que j’écris depuis 2004.
Puisqu’ils ne connaissent rien à la cybernétique.
2 – on comprend peut-être mieux pourquoi ces auteurs refusent de débattre avec moi.
3 – ce qui se passe rejaillit sur la réputation des éditions Amphora qui, je l’espère, sauront faire le nécessaire.
4 – si vous voulez vous familiariser avec la Pensée Complexe et la cybernétique, vous savez où il faut vous rendre désormais : dans l’Univers Lafay. Ailleurs, cela reste un peu…
°
Olivier Lafay