Une des qualités humaines les plus rares…
Ce que dit Spinoza, c’est qu’on ne devrait pas en vouloir à quelqu’un pour ses fautes, puisqu’il est déterminé à les commettre, qu’il n’est pas libre. La liberté n’existe pas. Croire qu’on est libre va de pair avec une ignorance abyssale du fonctionnement de la nature. Se penser libre est un besoin déraisonnable, irrationnel. Humainement immature.
Savoir qu’on n’est pas libre nous rend plus tolérant.
Car quand quelqu’un nous dérange, on a tendance à le haïr en faisant comme s’il était le libre décideur de ses actions.
Savoir qu’il n’est pas libre, en réalité, bien le comprendre, nous rendra plus à l’écoute, plus patient, moins fermé, moins agressif et violent (en mots ou en actes).
C’est là qu’on voit la différence entre la colère et la haine.
La colère étant une émotion animale, légitime même si parfois bien inadéquatement ressentie et exprimée. La colère est ponctuelle.La haine étant ce qu’exprime l’enfant brisé (devenu adulte) quand on s’oppose à lui, qu’il désire un pouvoir total, et qu’il se sent à nouveau rejeté, séparé, seul, et qu’il ne peut produire en lui-même ce sentiment d’identité à l’humanité; donc à voir son fonctionnement (et ses contraintes) dans l’autre. Sa seule option est de détruire l’autre, car il a en fait peur de lui-même. La haine dure…
La colère étant preuve d’humanité. La haine étant preuve de déshumanisation..
Tout ceci parfaitement déterminé par nos gènes et notre histoire (espèce, individu, société).
ON FAIT CE QU’ON EST.
Beaucoup de gens ne voient pas quand ils franchissent le pont de la colère à la haine, ou même qu’ils sont constamment dans la haine. Ils ne voient ni leurs regards, ni leurs mots. Ils ne le veulent pas. Ils ont peur. D’une peur qui remonte à loin…
Paradoxalement, celui qui se croit et dit libre se défausse toujours de ses responsabilités et attribue tout échec, tout problème, à l’autre. Si ça va mal, c’est la faute de l’autre, qui a choisi “librement” d’être un obstacle à mon pouvoir. Je peux donc le haïr…
Les réactions de quelqu’un en situation de conflit permettent donc de déterminer son niveau de maturité humaine. Et donc, en premier lieu, ce que ses parents lui ont “appris”…
Si nous sommes tous déterminés, reste donc à régler la question de la responsabilité.
Spinoza, qui est le précurseur de cette question du déterminisme VS libre-arbitre (Descartes, à la même époque, tout en posant les fondements de la science moderne, croit au libre-arbitre), y répond de manière brutale.
En effet, puisque chacun est déterminé à être ce qu’il est, il est irresponsable de ses actes. Eliminons donc ceux qui dérangent l’harmonie sociale.
Il existe, par delà Spinoza, une manière évolutive de concevoir la responsabilité malgré le déterminisme, inspirée par les neurosciences et la sybernétique, que j’ai déjà exposée dans des articles ces quinze dernières années Une responsabilité, fruit de la libération obtenue par les autres, et créatrice d’un méta-programme, permettant à l’individu capable d’évoluer de prendre à son compte ses actes “mauvais”, ses erreurs, malgré leurs déterminismes. C’est une individuation plus poussée. On accepte la responsabilité de ce qui est déterminé en nous afin de n’y point rester bloqué et de pouvoir évoluer. On se met en disposition de réparer nos erreurs.
Ce qui fait aussi dire à Félix Guattari que pour améliorer l’humain il fallait fabriquer de la subjectivité, toujours plus de subjectivité. Par le savoir rationnel, comme le soufflait déjà Spinoza, mais aussi par le rétablissement des facultés proprement humaines. Ce que seul l’autre peut m’aider à réaliser.
Soit par la séduction (séduire ma nature), soit en me forçant.
Ce qui pose la question de la responsabilité de la séduction ou du forçage de l’autre. Et donc de l’évaluation de notre propre niveau de maturité humaine.
Comme je le disais il y a déjà plus de dix ans : “je ne suis pas libre de me changer moi-même, c’est l’autre qui m’aide à changer.”Et changer, c’est devenir responsable malgré nos déterminismes. Et devenir responsable, c’est pouvoir toujours changer.
Ainsi la seule source du développement humain,de l’épanouissement véritable, contient le savoir (lire, apprendre sur nos déterminismes), la résolution affective, les hasards du stress.
Vous avez sur ces pages collections de Graals; reste à boire à la source.
En parlant ainsi, je pose encore et encore en chaque lecteur la substance de ce méta-programme qui rend humain.
Semer à tout vent; et se réjouir de voir quelques graines germer.