Le plus dur n’est pas de penser mordicus que l’autre est toxique, méchant, un bourreau, un obstacle, un empêcheur de vivre en rond… et nous une victime.
C’est en fait ce qu’il y a de plus facile…
Le plus dur est de se considérer soi-même comme un bourreau, une personne toxique, pour soi-même et les autres. De comprendre que l’on est tous à la fois victime et bourreau. Parfois, souvent même, tour à tour.
Et que penser que l’on n’est que victime prouve une vision incomplète de la relation à l’autre, à soi…
Nous sommes naturellement portés à considérer l’autre comme un bourreau, afin de pouvoir vivre pleinement notre besoin de dominance. Le méchant, c’est toujours l’autre…
Nous sommes naturellement portés à avoir peu de recul sur nous-mêmes, et donc à ne pas voir en quoi nous sommes responsables de nos peines, blessures, choix erronés (de partenaires, notamment).
Et nous vivons dans une société qui promeut la concurrence à outrance et la déresponsabilisation. Une société qui nous encourage, tous les jours, au travail, dans les médias, dans les séries et films, à être toxiques pour les autres. Tout en les considérant comme des salopards. Analysez les discours des apôtres du développement personnel, des gourous de la réussite, et vous verrez qu’il n’est fait que de ça.
Dominer, écarter, écraser, soumettre, faire souffrir, humilier… C’est ça être vainqueur dans notre bel imaginaire social…
C’est comme si, constamment, on nous brandissait un panneau devant les yeux : “Soyez toxiques, c’est cool. C’est le chemin vers la puissance, la réussite.”
Vouloir absolument dominer, sans recul sur cette pulsion naturelle, gonflée artificiellement par la société, c’est l’injonction fondamentale. S’aimer soi-même au-delà de tout, comme une espèce de dieu exigeant toujours plus de pouvoir et de valorisation, c’est le mot d’ordre, c’est la fin ultime. Facebook comme espace gratifiant, lieu si désirable du nombril hypertrophié et de la masturbation, faute d’une bonne pénétration joyeuse, à deux…
Soyez pervers, soyez narcissiques.
Et alors, forcément, on fait du mal. Et alors, forcément, on se fait du mal…
Toujours en se pensant victimes, jamais bourreaux. Toujours en se pensant innocents, victimes d’une odieuse personne affligée d’un gène maléfique qui la rend toxique. Un pervers narcissique de naissance. Et nous, sans tâche, absolument sains, tellement dignes d’amour, et si odieusement manipulés…
Bien sûr, il existe des cas où des personnes perturbées agressent un innocent qui s’est trouvé au mauvais moment au mauvais endroit, mais ce sont des cas rares.
Bien souvent, on est toxique pour soi-même en se trouvant un bourreau, qui va nous permettre d’être les victimes que l’on a besoin d’être, ou l’on est bourreau soi-même, ou même on joue très régulièrement les deux rôles…
Bien souvent, la toxicité présumée d’une personne ne peut exister sans notre complicité…
Nous sommes toxiques pour nous-même et nous cherchons inconsciemment des exécuteurs.
L’idéologie dominante valorise autant la destruction que l’auto-destruction. Le narcissique qu’on nous conditionne à être se doit aussi d’être pervers…
Avec les autres, avec soi.
Et quand on perd le bras de fer dans notre jeu de dominance avec l’autre, quand notre soumission nous emmène vers une souffrance insupportable, alors on identifie le bourreau. C’est l’autre !
Et la société, qui résiste à tout changement qui lui permettrait d’instaurer de meilleures relations humaines, a déjà généré des catégories d’individus “mauvais” : les toxiques, les pervers narcissiques. Quelques livres bien pourris, quelques “thérapeutes” pervers, cupides, parfaitement moulés, et hop, ça roule…
La société qui identifie son propre fonctionnement comme étant pathologique, mais sans se l’attribuer, en désignant seulement des boucs-émissaires.
La société qui se défausse de sa logique de merde, jamais remise en question.
Encore une fois, ces catégories sont le fruit d’un défaut terrible d’approche systémique/cybernétique, où l’on se centre sur l’individu, en oubliant le contexte, les conditionnements sociaux, et ceux des uns et des autres, où l’on dramatise, excuse certains et condamne d’autres, là où il faudrait de la vraie pensée.
Le rôle des conditionnements sociaux, de l’idéologie dominante, qui construit les conditions d’une terrible violence sociale.
Le rôle de la mémoire traumatique, qui nous amène à rechercher le statut exclusif de victime, parfois, ou de bourreau souriant.
Le rôle des tâches aveugles cognitives, des biais, qui font que l’on ne voit bien que ce qui nous arrange. Et le bourreau se voit victime… Et l’on ne se voit jamais bourreau, toujours accusant la méchanceté, les violences et manipulations de l’autre.
Le rôle de l’inculture, qui empêche tout véritable recul.
Le rôle que pourrait jouer une approche systémique/cybernétique dans la résolution de problèmes et la création d’un espace social plus paisible…
COUPLE : qui est vraiment toxique?
Publié le — Un commentaireUne réflexion au sujet de « COUPLE : qui est vraiment toxique? »
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Bonjour Olivier
Cela fait quelques mois, peut-être 2, 3 ou 5… que je ne consulte plus vos espaces.
Non pas que je n’apprécie pas mais plutôt par besoin et même par plaisir, c’est même devenu mon petit rituel.
Ce que vous décrivez dans vos livres et dans vos articles est tellement criant de sens et percutant, qu’à chaque lecture de vos écris, j’ai comme le besoin de prendre du recul pour intégrer et analyser et repérer cela dans la vie de tous les jours.
Puis vient le moment de l’autonomie (pendant ce sevrage des lectures Lafay) ou j’analyse tout seul comme un grand, les jeux de dominance qui se jouent dans la relations à moi-même et dans mes relations aux autres. J’aime aussi comme au ciné ou au théâtre être simple spectateur et analyser comprendre et cerner ce qu’il se joue dans les relations de mes semblables ; en étant un regard extérieur (mes amis, mes collègues de travail, mes proches par exemple…)
C’est un petit jeu ou je me délecte à observer, puis comprendre et enfin aider pour changer la donne des jeux et apaiser les relations. Cela me procure de la satisfaction, du plaisir, de l’amour et m’aide énormément à me connaitre et m’accepter tel que je suis.
Tout cela pour dire qu’à chaque fois que je reviens sur vos espaces, c’est une bouffé d’air pur que vous m’insufflez à pleins poumons à mon plus grand bonheur.
Un tout grand merci à vous pour tout ça.
Très sincèrement,
Stéf