RECUL CRITIQUE : pourquoi la self-defense?

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RECUL CRITIQUE : pourquoi la self-defense?

«Ils jouent un jeu. Ils jouent à ne pas jouer un jeu. Si je leur montre que je le vois, je briserai les règles et ils me puniront. Je dois jouer leur jeu, qui consiste à ne pas voir que je vois le jeu».Ronald D. Laing.

Le but de mes textes est d’ouvrir les yeux au lecteur, de lui permettre de mieux se penser pour mieux vivre. Et pas de lui dire quoi faire. Mais dès qu’on entreprend une telle démarche, on se heurte à des résistances tout à fait naturelles. Pourquoi?

Ce qui est certain, pour commencer, c’est que plus elles sont spontanées, virulentes, et plus elles sont la résultante de processus automatisés, sans pensée. Car cette dernière demande du temps. Le recul sur le recul proposé ne se constitue pas instantanément; sauf à être rompu à l’exercice de la pensée. Ce qui est le cas le plus rare…
Une réaction impulsive est par définition une réaction qui s’interdit la pensée.

Ainsi, plus une personne agit rapidement et en s’emportant, dans le jugement, plus elle est triviale. Sauf à démontrer assez vite un raisonnement construit qui tienne compte intégralement de ce que propose celui qui perturbe et semble mériter cette volée de bois vert. Mais c’est très rare; la plupart du temps, la réaction négative est constituée de phrases toute faites qui ont pour fonction la protection des croyances et du statu quo cognitif de celui qui intervient (d’où l’image qui sert à illustrer ce texte).Dès qu’on commence à montrer aux gens les règles des jeux auxquels ils jouent, ils se retrouvent désemparés.A ce moment, soit ils cherchent à nier le constat (avec souvent mauvaise foi et agressivité), soit ils cherchent un nouveau modèle à suivre (un nouveau jeu auquel jouer).Et celui qui fait le constat peut devenir pour eux un prescripteur… C’est la solution de facilité lorsque le rejet semble impossible.Rares sont ceux qui vont accepter que la fin du jeu tel qu’il était vécu jusque là exige un effort pour que le niveau de compréhension atteint soudain engendre un nouveau niveau comportemental. Une complexification, une évolution donc…Effort de réflexion, de relation, d’expérimentation.

Evolution, oui, mais vers quoi?Autonomie signifie se créer ses propres règles. Ce qui signifie disposer d’un peu de marge de manoeuvre par rapport aux jeux communs, constitués de règles adoptées en toute inconscience (ce qui est proclamé consciemment étant souvent assez éloigné de la réalité des jeux auxquels on adhère) .Bien que l’autonomie soit souvent exigée et revendiquée, vu que cela fait partie de la norme fantasmatique permettant de définir le devoir d’identité, elle existe peu dans les faits.Comme le souligne Hannah Arendt, la société fonctionne dans l’absence de pensée. Elle est de côté-là efficiente : les gens économisent leurs efforts de réflexion autant que possible en trouvant un prêt-à-penser qui les fasse agir de manière à correspondre le plus étroitement possible au cadre imposé.Pour que le système social se perpétue en l’état (dynamique culturelle faible), il faut que le niveau de recul des gens soit le plus bas possible, tout en semblant pourtant exister et profond (il existe tout un tas d’artifices fournis clefs-en-main pour donner l’illusion qu’on pense et se pense).Ce qui fait que, dès qu’un recul authentique (perturbant les croyances et le ronron quotidien) est créé quelque part, c’est l’affolement.


Et souvent déchaînement de violence (au minimum verbale, puis harcèlement et tentative de destruction psychique comme physique)Lorsque ce qui va de soi est secoué, il y a crise. Soit on retombe sur nos pattes vite fait en niant, frappant plus ou moins fort, puis oubliant; soit on se sent poussé de l’intérieur vers une remise en question. Mais c’est rare, car l’effort de recul critique et de réadaptation complexe n’a pas été appris (on ne va pas nous enseigner, ni à l’école, ni en famille, ce qui pourrait réduire notre efficience comportementale). Le recul critique avec reconstruction des valeurs, croyances, comportements, est contraire à la logique du système (de la société), qui demande le conformisme le plus complet pour exister et rester solide (durable). Et ce n’est pas que pour notre mal, car le conformisme permet d’avoir accès à un confort de base (nourriture, abri, soins, sexe).


Mais au niveau de la plénitude du vécu, de la satisfaction des besoins profonds, c’est catastrophique. Vivre sans penser produit une vie sans amour. Et il suffit de regarder l’état de l’amour autour de soi, et en soi, pour penser notre absence de pensée.

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