L’un des dix gagnants du concours.
Comme ces textes sont généralement longs, je vais les publier sur le blog au rythme d’un tous les jours ou tous les deux jours.
Genèse d’une méthode innovante et ambitieuse, dont le jaune de fond symbolise à la fois la richesse et le rayonnement, mais en évoque aussi doucement la sagesse et la vitalité, le tableau choisi en couverture représente Adam et Eve, les fondateurs de l’humanité, et annonce ainsi le caractère universel d’une méthode qui s’ancre pourtant dans la vie quotidienne, les figures bibliques (eux-mêmes formant un couple banal) s’étant décalés dans un décor de gratte-ciels. Les deux personnages semblent s’équilibrer, se pousser et se freiner dans la quête de la connaissance, symbolisée par cette pomme rouge que tient Eve dans la main sans la quitter des yeux, tentée de croquer tout de suite dans le fruit si convoité. La double lecture du tableau (l’instant des préliminaires) ne fait donc que renforcer la thèse qu’il y a tellement de chemin à parcourir pour obtenir ce que l’on désire tant (les immeubles du fond semblent former un escalier, supposant une démarche, un effort), et que c’est ce cheminement, cette progression, qui forgera l’expérience à coups de vécu, et qui, à force de le cultiver, fera pousser le fruit de l’intérieur : l’action guidée (Adam ramène Eve vers lui) a pris le pas sur le « savoir pour le savoir », parfaite illustration du mouvement pédagogique de la méthode, qui, comme l’indique la grande flèche cerclée en arrière-plan, se charge d’encadrer le lecteur et de le diriger tout droit vers l’essentiel. D’un point de vue purement graphique, on peut retrouver, encore, ce dépassement de la connaissance par l’expérience, de la théorie par la pratique : le cubisme, originellement carré et géométrique, s’affaisse derrière les courbes pleines de vie des deux nus, peints dans toute leur beauté et leurs faiblesses humaines. Ce style hybride permet de mettre en avant à la fois que le corps, sous ses allures sauvages, n’en est pas moins régi par des lois rationnelles, et que l’on peut donc, méthodiquement, le modifier à volonté ; et que, inversement, le contenu de l’ouvrage, pourtant quadrillé, tend à s’assouplir, à s’adapter à chaque descendant d’Adam en fonction de son environnement (cadre moderne du tableau), tout comme son sujet lui-même, la nutrition, bien que forcément pesée et mesurée, peut se libérer de ses contraintes et de ses calculs pour devenir un réel plaisir (cette fois-ci non coupable!), cristallisé dans l’onctuosité de ce semi-cubisme sous-tendu par une architecture si légèrement anguleuse. Enfin, le choix-même d’une toile célèbre en couverture achève, déjà, d’élever la nutrition aux lointains rangs de l’art et de la culture.
Une photo de l’auteur de ce texte :