Une couverture qui arrête le regard :
Sur fond jaune, un tableau tranche avec son arrière-plan sombre. Il met en scène un homme et une femme. Son titre en gros plan : « méthode de nutrition, gérer l’équilibre ». Et puis : « l’alimentation maitrisée au service de : esthétique , bien-être , performance » . Le mot « méthode ». Ce mot évoque la rigueur mais aussi l’impossibilité de faire autrement, la nécessité de s’y plier. « Nutrition « sonne comme une science exacte et mathématique, « gérer » comme une compétence valorisée et mystérieuse. La « maitrise » est trop souvent mal utilisée pour canaliser les angoisses de ne pas afficher les canons collectifs que sont « esthétique », « bien-être » et « performance ». L’ensemble prend l’apparence d’une injonction contradictoire, quelque chose comme « il faut être spontané ».
Dans une telle circonstance, passer son chemin est une solution raisonnable. Mais difficile de détacher les yeux de ce tableau. Adam et Eve, pas tout à fait face à face, en contact dans une posture en équilibre stable. Leurs corps sont beaux et harmonieux. Eve tient une pomme. Adam n’en a pas. Il doit s’agir de quelque chose à partager. Cette sérénité et leur nudité tranche avec l’arrière- plan inquiétant, tout en angle d’immeubles gris. Une forêt verdoyante, un jardin d’Eden semblerait plus approprié. Ou ont-ils pu dénicher cette pomme dans un tel environnement ? D’où tiennent-ils cette simplicité brute et belle dans un tel decor ?
C’est un théâtre qui ressemble à celui de beaucoup aujourd’hui. Et y trouver une belle pomme, la sérénité ou l’harmonie semble bien difficile et compliqué.
Le fond jaune tempère cette sensation et raisonne comme une matinée ensoleillée, pleine de promesses. Le jaune, c’est aussi la couleur des blés mûrs et celle du pain qui accueille et nourrit au sortir du sommeil.
L’homme et la femme figure maintenant un couple de chasseur cueilleur déplacé dans une foret moderne à l’aspect toujours aussi angoissant mais ça ne semble pas entamer leur sérénité. Ils s’y montrent bien adaptés , ils sont sans doutes parvenu à préserver les rituels qui les maintiennent en équilibre. Un art de vivre venu de très loin, inscrit dans le temps qui passe. Un art qui traverse le rythme des saisons , qui se cultive, s’enrichi ou se perd dans le rythme des époques.
Qu’en est-il advenu aujourd’hui ?
Le mot « méthode » prend alors un sens différent , c’est devenu un outil d’exploration pour un domaine laissé en jachère. « Gérer » devient cultiver, observer et sentir. « Nutrition » s’assouplit pour se couler dans une dynamique vivante, évolutive. Le mot « maitrise » devient synonyme d’expériences à cumuler, le « bien-être « n’est plus un état mais quelque chose vers lequel on tend, l’ »esthétique » est à découvrir, inventer et à accepter, la « performance » n’est plus un objectif mais va de soi, naturelle et prête à s’exprimer si la situation l’exige.
La sérénité affichée par ce couple de chasseur-cueilleur invite à se saisir de cet outil. Ils redeviennent Adam et Eve partageant la pomme et ouvrant une porte sur la connaissance.