Le témoignage de Piotr, dont l’addiction au Crossfit et au No Pain No Gain a failli lui coûter la vie.
Salut à la Team Lafay,
Première fois que j’interviens sur ce groupe.
J’ai toujours été habitué aux pratiques NPNG. Crossfit notamment, sports de combat en y allant uniquement comme une brute, … Au moins dix heures par semaine (à côté, j’ai un poste à responsabilités, autant vous dire que je n’avais pas le temps de faire autre chose, et que, sans en être conscient, je soumettais mon corps à un stress énorme).
Sauf qu’il y a quelques mois, on me diagnostique une maladie cardiaque : une dysplasie ventriculaire (heureusement à un stade assez précoce).
Les causes de cette maladie ne sont pas encore connues. Il semblerait que dans la moitié des cas, il y ait une cause génétique, mais les membres de ma famille n’ont rien selon les examens qu’ils ont passés.
Dans mon cas, mes cardiologues (je suis suivi dans un hôpital référence en rythmologie cardiaque en région parisienne) m’ont proscrit toute activité avec des intervalles, avec une intensité trop élevée.
Je leur ai présenté le livre de la méthode et parlé du Systema; il n’y a pas de contre-indication.
La sollicitation du cœur n’est pas excessive.
Dans tous les cas, ils ont bien insisté sur le fait que ma pratique était beaucoup trop intense, trop volumineuse en termes d’heures, même pour quelqu’un qui aurait un cœur sain (sur un cœur sain, le maximum conseillé s’élève à 6 heures hebdomadaires selon ces spécialistes – dans mon cas ce sont 3 heures).
Ils connaissent notamment le CrossFit et sont formellement contre ce type de pratique trop intense pour le muscle cardiaque.
Concernant le traitement, je prends un bêta bloquant et un anti arythmique, avec des doses plutôt légères…
Pour en revenir à ma pratique, je ne remarquais pas les signaux :
le cœur qui s’emballe notamment.
Normal, quand on est un vrai, un Alpha, on “ferme sa gueule”, on “bouge son cul” et on passe outre, pour reprendre les termes de mes coachs de CrossFit.
On “va au combat” pour se mettre dans la peau d’un guerrier, d’un héros. Retrouver un semblant de rusticité à force d’être un citadin (la peau des mains arrachée à force d’enchaîner les kipping pull-ups, les snatchs, …).
Sinon on est un faible, qui ne se donne pas les moyens. Idem niveau nutrition : c’était Paléo strict, j’étais en déficit calorique constamment, je me sentais faible, fatigué très souvent, mais bon, il fallait “se battre”.
Dans ma vie professionnelle, j’appliquais la même mentalité : attendre des autres qu’ils agissent comme moi, qu’ils n’aient pas peur de la souffrance, de la douleur, qu’ils travaillent sans relâche.
Ce diagnostic m’a donc beaucoup fait réfléchir.
J’avais suivi de loin les pages Facebook de la méthode Lafay.
Je me disais que c’était du vent, de la philo pas très utile concrètement. Mais au fond de moi, il y avait quand même un début de réflexion sur le fait que j’en faisais trop.
Faire deux fois plus n’est toutefois pas deux fois mieux. J’ai profité de mes semaines à l’hôpital, entre divers examens/ opérations, pour lire des auteurs comme Watzlawick, Laborit, Atlan, … qui m’ont éclairé comme jamais. Ils m’ont mis face à mes erreurs, face à mes comportements (dans ma pratique sportive mais aussi au quotidien, au travail, avec mes proches).
J’ai aussi découvert que je n’étais qu’un autre de ces drogués du sport : le manque se faisait sentir (j’ai dû stopper toute activité pendant plus de 3 mois) : j’étais irritable, je perdais patience rapidement, je perdais ma confiance en moi, car tout reposait sur le sport.
Bref, aujourd’hui les choses vont mieux. J’ai repris l’entraînement en commençant la méthode il y a deux semaines. C’est donc un peu tôt pour tirer des conclusions. Mais je sens en ce moment que mes chemises deviennent trop petites au niveau des bras, des épaules, du torse, des cuisses.
Et surtout, je commence à sentir un meilleur équilibre : j’ai beaucoup plus de temps pour lire, me cultiver, prendre du temps avec mes proches, mon regard sur les relations se modifient petit à petit, je suis moins agressif, moins en recherche de la performance partout, tout le temps.
Et pourtant, magie, je progresse mieux. Plus serein face aux événements quotidiens. Je relativise. Je ne fais que deux séances par semaine (en essayant autant que possible d’enchaîner avec 4 piliers et étirements), ainsi qu’un entraînement de Systema, que je viens de découvrir.
Et je réalise deux séances d’étirements et 4 piliers quand je peux les autres jours. Cela fait un bien fou, je sens une vraie détente, les tensions se relâchent, je lâche prise.
Vous écrire ce court message me fait aussi du bien.
Croître et durer
La douceur mène à tout
Voilà mes nouvelles boussoles
A bientôt
PS : tout le monde (sportifs ou non-sportifs) devrait lire :
– Faites vous-même votre propre malheur, et Comment réussir à échouer, de P. Watzlawick
– La nouvelle grille, et L’éloge de la fuite, de H. Laborit
Pour des raisons politiquement correctes, les couvertures des livres ont changé, mais leur contenu est le même.