(ou un pratiquant de musculation No Pain No Gain)
Ou : pourquoi la passion pour la musculation peut nous détruire?
Pour y répondre, regardons de plus près notre cerveau.
Peut-on se dire pleinement humain si on ne se préoccupe pas de développer sa zone orbito-frontale?
Cette zone est celle qui permet le recul stratégique quant au développement du corps.
Si l’on veut non seulement croître, mais aussi durer, alors il faut se préoccuper de cette partie de notre cerveau.
Si l’on veut se muscler mais aussi être en bonne santé, et le rester, alors on doit éviter d’être dévoré par sa passion.
Il nous faut absolument du recul.
En effet, à quoi sert d’être un roi, un mâle alpha durant 10 ou 15 ans si l’on doit le payer le reste de sa vie?
A quoi sert de se mettre en valeur, via de belles photos, tel un héros, en se moquant des “faibles”, si l’on devient après quelques années plus faible que les faibles dont on se moquait?
L’article “Quand l’angélus d’Angelov sonne le glas”, publié tout récemment sur cette page, montre à quel point la plupart des pratiquants de musculation sont comme emportés par une volonté incontrôlée de prendre du muscle… Prendre du muscle à tout prix et avant tout…
Les propos tenus par Frédéric Delavier, Lazar Angelov et tant d’autres, montrent que c’est quand la blessure arrive, la blessure incontournable, que ces personnes commencent à réfléchir.
Quand elle le font…
Et elles le font souvent mal, car il est difficile d’échapper aux démons qui nous ont poussé à nous autodétruire. Difficile d’échapper aux conditionnements sociaux, à ceux de l’enfance, qui nous ont poussé à vouloir exister tel un héros, afin d’être enfin reconnus, validés, et suffisamment costauds pour résister aux agressions (de toutes sortes), ou mieux : à les dissuader.
Ou pire : à les provoquer.
Bien souvent, et c’est éclairant, on revendique même ces souffrances, ces blessures, ces douleurs qui vont désormais nous accompagner toute la vie : on s’est tellement vu comme un guerrier du muscle qu’on dépeint toute blessure comme une blessure de guerre. La blessure est perçue inconsciemment comme un nouveau moyen de se valoriser aux yeux des autres comme de soi-même. Ce sont les cicatrices du guerrier, qu’on exhibe bien volontiers sur le net ou à ses proches. Et on exige d’être reconnu pour cela, on demande donc… de l’amour.
Lazar Angelov se montre en photos alors qu’il va être opéré, car il est usé par ses entraînements. Et il ne regrette rien.
Ronnie Colemann, énorme bodybuilder, maintenant en fauteuil roulant, se met en scène et clame que, s’il fallait le refaire, il le referait. Finir handicapé, juste pour soulever quelques kgs de plus que la moyenne des sportifs, oui le jeu devait certainement en valoir la chandelle…
Et tant d’autres “athlètes” pour qui l’entraînement a une valeur symbolique, imaginaire, très forte : être le guerrier ultime, celui qui traverse des épreuves, revient blessé, honoré pour ça, et devant qui le peuple s’incline …
Et ce sont les modèles qu’on nous propose, ceux à qui on doit s’identifier, ou à qui on… aime s’identifier.
Difficile dans ces conditions de réfléchir à la santé.
L’idée de devoir mettre fin à l’entraînement, pour cause de handicaps, visibles ou invisibles, et donc la crainte de redevenir une personne lambda, inconnue, fragile, qu’on ne respecte plus, un professionnel du muscle qui ne fait plus d’argent car tombé aux oubliettes, amène nécessairement le sportif à penser à la santé.
Mais quel recul a-t-il, puisque c’est l’échec et la souffrance qui le font soudainement penser?
Lorsqu’on ne peut plus faire certains mouvements, lorsqu’on ne peut plus lever les charges qu’on levait il y a encore six mois, alors on se met à penser à la santé. Et aussi, paradoxalement, au dopage. Car, lorsqu’on est bien abîmé, seul le dopage permet encore de faire illusion en aidant à maintenir, voire développer, une masse musculaire convenable.
Et le sportif se retrouve plongé dans un abîme de pensées torturantes : tout abandonner? Privilégier les charges légères avec le risque de régresser? Ne plus pouvoir se valoriser sur le net, via Youtube, avec un squat ou un développé couché très lourd? Faire plus d’assouplissements, avec la peur de ne plus avoir le temps ou l’énergie pour se muscler? Entamer une psychothérapie pour mieux cerner son besoin de performance?
Passer au dopage? Arrêter le dopage? Aller plus souvent chez le kiné ou l’ostéo afin de gérer au mieux les douleurs et continuer à s’entraîner comme avant, ou presque?
La fin des illusions qu’amène la blessure récalcitrante conduit le sportif à faire bien souvent un mix de tout ça : il ne sait plus à quel saint se vouer et va d’une solution à une autre, puis revient à ses premières amours (intense, souvent et lourd), se fait à nouveau mal, se calme, tente le dopage, puis l’arrête, et se lamente sur son sort.
Impulsif il était, impulsif il reste. Il pense mais ne sait réfléchir. Il n’a ni les bases (le savoir spécifique pour bien penser) ni l’habitude.
Beaucoup, parmi nous, agissent avec l’impulsivité d’un singe. D’où ces commentaires irréfléchis, spontanément dépréciatifs ou agressifs que l’on peut voir bien souvent sur le net.
D’où l’approche “instinctive” de la musculation, bien plus instinctive que scientifique, quoi qu’en disent souvent les pratiquants fanatiques.
En effet, malgré parfois des formations de coach ou préparateur physique, des références constantes (mythifiées et mystifiantes) à la science, nombreux sont ceux qui se détruisent à l’entraînement.
Et un petit tour en neurosciences nous permet de progresser sur la voie des raisons qui engendrent de tels comportements suicidaires, sans usage approprié du bouclier de la raison.
Sans une zone orbito-frontale mature, les émotions sont bien plus envahissantes, les pulsions aussi, et elles nous gouvernent à notre insu.
Nos frustrations, nos besoins de reconnaissance et de dominance, nous contrôlent sans même qu’on s’en rende compte.
“Le cerveau s’adapte continuellement à la réalité vécue par la personne, tout au long de sa vie.
A cet effet, plus une fonction est nécessaire à la survie physique (respirer, manger, boire, crier, se défendre, etc.), plus elle se développe rapidement.
Par contre, les fonctions humaines (calculer, lire, aimer inconditionnellement, etc.) demandent plus de temps pour atteindre le niveau de maturation optimal.
Ainsi, le temps pour optimiser la partie de notre cerveau située juste en arrière de notre front est plus long. Cette zone du néocortex est la plus récente de l’évolution des espèces et les êtres humains sont les seuls êtres vivants qui en disposent. Elle nous permet de réaliser la plupart des activités humaines, notamment celles qui favorisent l’autonomie affective, la créativité, la compassion, le discernement, la perspective tant mathématique qu’émotionnelle, etc.
Ainsi le cortex préfrontal demande une bonne quarantaine d’année d’expériences de vie pour atteindre sa pleine maturité.
[…]
Les singes, qui en sont privés, sont d’ailleurs extrêmement agressifs, les pulsions sont très rudimentaires, car le préfrontal ne peut inhiber les comportements archaïques.”
(Joël Monzée, docteur en neurosciences, auteur de plusieurs livres explorant les liens entre performances, relations humaines et fonctionnement du cerveau)
De là, on peut imaginer les différences nettes entre :
– un jeune homme qui ne développe pas sa zone orbito-frontale;
– un jeune homme qui la développe;
– un quadragénaire qui s’est toujours désintéressé de sa zone orbito-frontale, voire même qui pense pouvoir inventer la connaissance tout seul en lui-même;
– un quadragénaire qui a passé sa vie à développer cette zone.
On parle vraiment d’humanisation de l’humain, ici.
Le recul critique et stratégique, qui permet à la fois le dépassement de soi ET la préservation de soi, se joue ici.
On peut alors espérer atteindre une pratique apaisée de la musculation, qui n’empêche pas d’atteindre des performances élevées et des physiques enviables (voir les résultats affichés par les pratiquants de la Méthode Lafay).
Moins on développe sa zone orbito-frontale, plus on sera proche du singe, avec des réactions impulsives commandées par nos besoins inconscients.
Besoins façonnés par la nature, les conditionnements sociaux et la relation (plus ou moins réussie) aux parents.
Et plus la blessure et les conduites à risque seront notre avenir ou notre quotidien.
Les articles proposés sur cette page (et sur le site olivier-lafay.com) et les livres de la collection Lafay ont pour fonction :
– de développer votre zone orbito-frontale;
– de vous donner les outils pour vous développer au mieux, rapidement, mais en douceur.
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Olivier Lafay
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La collection Lafay est disponible ici :