Nadia Nadesjda travaille en milieu carcéral, et utilise à la fois la pratique et les valeurs de la Méthode Lafay pour engager des délinquants sexuels vers un véritable changement.
Voici notre échange récent.
Nadia Nadesjda :
J’interviens régulièrement en milieu carcéral, notamment auprès de personnes condamnées pour des faits d’agressions sexuelles, viol, maltraitance et j’en passe!!
Le but étant de travailler sur les faits, les risques de récidives… Dernièrement, lors d’un groupe de parole, ils ont parlé de musculation, sport n°1 en détention ! À ma grande surprise, la méthode Lafay est largement pratiquée par les détenus…
Je m’inspire de vos écrits pour lier le sport et leur vision de la vie, des femmes, du rapport à la violence…
Alors merci d’aborder des sujets encore assez tabous dans la société.
Olivier Lafay :
Lorsqu’un homme désire un rapport sexuel (appelons un chat un chat), il peut tenter de l’obtenir de deux façons principales :
– la force;
– la douceur.
Comme en musculation, il est possible de se développer (de croître) par la force ou, (bien plus rarement) par la douceur.
La force, cela peut aller des techniques de séduction qu’on nous enseigne, des pressions lors de rapports de force engendrés par les rapports sociaux, des tricheries relationnelles à la Casanova… jusqu’au viol.
Notre société enseigne la force comme moyen premier d’arriver à son but (en quoi que ce soit). Il faut dominer, utiliser, soumettre.
Pas étonnant, qu’en considérant toujours les autres comme des objets destinés à nous donner du plaisir, du pouvoir, la réussite, certains en viennent au viol.
D’autant plus qu’un certain nombre de femmes ont intégré ce mode de relation à l’homme : elles veulent un “mâle alpha”, qui les bouscule, les soumette, les prenne de force.
Elles disent vouloir la douceur, mais fantasment sur 50 nuances de Grey…
D’où la confusion extrême qui peut en ressortir.
Et des hommes moins éduqués, et/ou dont les pulsions ne peuvent être contenues plus longtemps (on vit dans un monde où le sexe tentateur est partout) vont passer à l’acte.
Regardons le nombre de films où l’homme PREND durement la femme (qui parfois le lui demande).
Les modèles violents sont partout.
Lorsqu’on est adepte de la douceur, on est très mal à l’aise en regardant, dans le film Blade Runner, Harrisson Ford tenter de soumettre physiquement et psychiquement l’androïde. c’est une vision du rapport aux femmes qui est montrée et enseignée ici.
La musculation douce peut être un moyen d’enseigner aux gens un autre mode relationnel, nettement plus gratifiant.
Enseigner la douceur vis à vis de soi, des autres, est peu commun, mais riche de promesses.
Croître et faire croître, obtenir, en douceur, par la douceur.
Nadia Nadesjda :
Merci pour cette intervention Mr Lafay, je constate dans mes nombreux dossiers que souvent pour des faits d’agressions sexuelles, de viol sur majeur ou mineur de moins de 15 ans en majorité, l’auteur a un lien avec la victime voire un lien familial…
Le processus afin de lutter efficacement contre la récidive est long et il faut revenir à la source (souvent à l’enfance) et finalement faire “reset” des modes de relations hommes femmes.
Ce qui est compliqué pour ma part, ce n’est pas tant la prise en charge de ce public mais plutôt de lutter contre des collègues notamment féminines, qui sont directement en mode attaque et agressives en les rabaissant systématiquement, ce qui provoque encore plus de violence…
L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voila l’équation Averroès.
Olivier Lafay :
Il est regrettable que ces collègues féminines n’aient pu être en capacité d’envisager ces problématiques de manière systémique, en comprenant donc comment se construit un être humain.
Vous devez leur apporter beaucoup à ces criminels, la possibilité de se comprendre soi-même, et peut-être alors de changer.
Nadia Nadesjda :
Oui c’est tout a fait regrettable en effet, comprendre l’histoire, le vécu… J’irai encore plus loin : il y a une volonté de dominer ces hommes “moi je vais te mater”, les pousser dans leur retranchements.
Mathieu Couture :
C’est très intéressant de voir les frontières franchies par la méthode, je dirais que toucher des métiers comme celui-ci est un grand pas en avant et une avancé incroyable sur ce que nous enseigne Olivier. Nadia joue un rôle très important dans la société et j’ai beaucoup de respect pour les personnes comme vous qui, par votre métier, prône les valeurs de la méthode. C’est un réel moyen de changer le cours des événements de contourner la récidive que d’aider ces prisonniers. Je pense qu’il y a encore beaucoup à faire et c’est très encourageant quand on vois des résultats tels que les vôtres
Nadia Nadesjda :
Merci Mathieu Couture, je vous confirme que les résultats sont très encourageants à travers la méthode dans son ensemble (sport, valeurs…). J’arrive à enlever des barrières et à amener les détenus à avoir une relation de confiance malgré les actes commis; ça peut sembler fou mais faire abstraction de l’acte pour travailler le fond et pas juste la forme et à travers, ça évite d’autres victimes…