MOI, MOI, MOI ! Conditionnements… opinions…

Publié le 13 commentaires
MOI, MOI, MOI ! Conditionnements… opinions…

Pour commencer, parlons de génétique. Les humains ont 99% de gènes en commun avec le chimpanzé et, par exemple, 90% avec la souris. Tous les êtres humains partagent le même patrimoine génétique à 99,8%.
Ce patrimoine est mis en forme par l’environnement. Autrement dit, c’est le contexte qui va nous construire à partir de cette grande proximité de base.
Quel est ce contexte?

 

On peut y répondre à l’aide d’une autre question et des développements qu’elle implique.
Sommes-nous libres de la période historique et de l’endroit où nous naissons?
Non.
Nous sommes entièrement déterminés par le contexte historique et social.
Notre conception même est le résultat des a priori, valeurs, jugements de valeurs, moyens, d’une époque et d’une société.
 

Ce qui signifie que, malgré des différences superficielles (mais semblant primordiales pour nous), nous sommes tous très semblables.
Quand nous naissons, nous sommes avant tout un système nerveux qui va être rempli par le système social. Il y a très peu d’automatismes innés en nous. L’essentiel des automatismes est acquis. Autrement dit, un enfant qui naît, étant incapable de se débrouiller seul et presque entièrement vide (en termes de mémoire, savoir-faire, intelligence), va devoir être rempli… par l’éducation.
 

La mise en forme est sociale. Un enfant laissé seul dans la nature ne peut que mourir. On va l’éduquer. On remplit donc son système nerveux.
Ainsi, ce qu’est chaque individu, c’est… les autres.
 

C’est-à-dire que nous incorporons en nous nos proches (leurs règles, leurs comportements, valeurs) et les valeurs sociales (à l’école, au travail, avec la tv, etc.). En n’oubliant pas que nos proches eux-mêmes ont été formatés auparavant par le contexte social…
 

Sans devenir les autres, nous n’existerions pas. Sans leurs règles, leurs valeurs, leurs solutions, nous ne pourrions exister. Nous sommes ce que nous apprenons. Et ce que nous apprenons, ce sont les autres (ce qu’ils ont fait, ce qu’ils font, ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent). Pensez à ce jeune enfant perdu dans la jungle et vous comprendrez aisément que cet enfant ne peut survivre car il n’a pas incorporé en lui de quoi composer avec l’environnement.
Tout notre savoir (savoir-être, savoir-vivre, savoir-faire) nous vient des autres.
 

Ce qui signifie que l’idéologie sociale en vigueur à une époque formate les esprits. Nous sommes construits dès notre naissance (et même bien avant) par cette idéologie sociale, nous en sommes imprégnés, nous pensons à travers elle.
 

Un patrimoine génétique commun à 99,8%.
 

Un système nerveux identique, conçu pour fonctionner selon des schémas innés. Avec donc des besoins primaires semblables.
 

Un système nerveux mis en forme dans une époque donnée, par une société donnée. Ce qui signifie des automatismes acquis quasi-semblables (la mémoire permettant la conscience et notamment la conscience de soi, donc notre sentiment d’être et d’être différent, est remplie par les autres).
 

Cela laisse peu de place pour de grandes différences.
 

Certains vont rétorquer qu’ils mangent paléo ou qu’ils sont frugivores, ce qui est quand même un signe de différence prononcée. A ceci je rétorquerais qu’il est plus facile de changer sa manière de manger que sa manière de penser.
Dans une société ultra-individualiste, dont le cœur battant est la production et la consommation, on se singularise par la… consommation.
En cela, on ne fait que répondre à nos conditionnements.
 

Encore une fois, manger paléo ou frugivore, ou des pizzas, ne nous distingue que par la surface, puisque nous obéissons à l’ordre plus fondamental (et très commun) de nous distinguer par la consommation.
Puisqu’au niveau de l’hypothalamus et du système limbique, nous portons les mêmes déterminismes (conditionnements), c’est au niveau de la zone orbito-frontale que la différence réelle va pouvoir se faire. Et notamment par l’imagination créatrice. C’est en prenant du recul par rapport à nos conditionnements (à l’ensemble de nos conditionnements) que nous allons pouvoir construire notre singularité, donc notre « vraie» différence.
 

Prendre du recul sur nos conditionnements, cela signifie prendre du recul sur «la culture qui nous a formaté » à l’aide de « la culture qui permet d’imaginer d’autres voies » (d’autres manière de penser et d’agir).
Comme je l’ai écrit dans « Stratégie de la motivation », on sort de la culture par la culture.
 

« Évoluer, c’est sortir de la culture grâce à la culture.
Le terme culture comporte deux acceptions:
– La première est la panoplie de tous les éléments constitutifs d’une
société : traditions, manières de parler, de se vêtir, de se comporter,
d’entrer en relation … c’est l’ambiance générale dans laquelle baigne
tout nouveau venu dans un monde.
– La seconde est constituée d’une réflexion sur la première. Il s’agit de
prendre du recul, d’exercer son esprit critique, de mettre en doute le
monde que l’on voit. Ce monde ne va pas de soi, il est «relatif ». En se
« cultivant », on gagne de l’autonomie, on devient capable de rejeter
les fausses évidences, les croyances erronées. On comprend pourquoi et
comment chaque vie, chaque regard sur le monde peut et doit être
singulier. La culture, en ce sens, est la création d ’un être singulier.»
 

Autrement dit, on ne peut réellement être différent sans se cultiver.
Tout ce qu’on fera sans culture, ce sera des variations superficielles sur une même base de conditionnements (biologiques et sociaux). Moins l’individu a appris à penser et à se penser lui-même, plus cette “base” sera ce qui le constituera essentiellement. Il sera avant tout cette base. Il sera… basique.
 

Pour changer un système, il nous faut du recul (afin de mieux l’observer).
Chacun de nous est un système. Nous avons donc besoin de recul pour être vraiment différent. Seule la culture l’apporte, car elle permet de mieux penser, de créer de nouvelles connexions, d’imaginer d’autres possibilités et de concevoir un nouveau soi, davantage libéré des conditionnements biologiques et sociaux.
 

Dans une société No Pain No Gain, toute activité No Pain No Gain est le fruit du conditionnement de base. Et être plus No Pain No Gain que la moyenne, ce n’est pas être différent sur le fond, on l’aura compris.
 

Plus on agit de manière automatique, moins on réfléchit, alors plus on répond selon des mécanismes inscrits en nous et qui nous commandent à notre insu.
Plus on affine notre réflexion, plus on apprend, plus on peut espérer se libérer et faire de soi un être singulier et non juste le produit de l’idéologie dominante.
 

En bref, nous avons tous le potentiel pour être vraiment différents, mais très peu d’entre nous exploitent ce potentiel. Les autres agissent tels des robots (des machines triviales organiques) programmés par
l’idéologie sociale dominante.
Comprendre cela, c’est déjà faire une partie du chemin.

13 réflexions au sujet de « MOI, MOI, MOI ! Conditionnements… opinions… »

  1. pour aller un peu plus loin; renseignez vous sur le mythe de la caverne (platon), en tout cas, l’article ci dessus est super interressant.

    1. Ah non surtout pas Platon. Platon est justement le moteur de la pensée idéologique. Le no pain no gain est une idéologie. Quand l’idée devient un mode de pensée qui nous dicte quoi faire, c’est fini on devient un robot.
      Platon méprisait le corps. Préférons à cet idéologue Démocrite ou Épicure beaucoup plus proches de la pensée de l’efficience. Plus on fait du bien à son corps plus il ne nous le rendra.

  2. Merci.
    Article très bien et neceessaire, d’ailleurs, du fond de sa Grèce antique, Démocrite d’Abdère disait qu’il fallait être sa propre mesure. Thoreau, sur le seuil de sa cabane dans les bois, nous expliquait qu’il fallait Inventer sa vie. Nietzsche nous enseignait «Soyons les poètes de notre existence, et tout d’abord dans le menu détail et dans le plus banal» et nous incitait à faire de sa vie une œuvre d’art (non un chef d’ œuvre mais une œuvre distincte), à «Inventer de nouvelles possibilités d’existence».
    Plus proche de nous, Henri Lefebvre, de son Béarn natal, nous expliquait que L’art de vivre suppose que la vie quotidienne devienne œuvre d’art et «joie que l’homme se donne à lui-même».

    Sur ces belles paroles, et se bon billet d’Olivier, je m’en vais faire ma petite séance de musculation stratégique (un petit 60% ce mercredi…)

    1. Oh ! Joli commentaire 🙂

  3. Merci 🙂 (désolé pour les fautes. J’ai fait un peu vite…)

  4. Olivier, le passage sur le choix de l’alimentation me chagrine dans ton article. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu choisi ce sujet comme exemple de changements superficielles ? Changer de régime alimentaire peut découler d’une grande réflexion. D’autant qu’il s’agit d’une consommation vitale, pas d’une consommation créer par l’envie d’assouvir les faux besoins inculqués par la pub et autres méthodes de la société de consommation (jalousie, paraitre, compétition…) !
    Qui serait la je peux le comprendre un changement superficielles ! (I-phone ou samsung ?!?! )
    Je comprends que certaines personnes puissent s’enorgueillir d’un changement d’alimentation, tout en gardant leur téléphone portable à la main !
    Mais ça peut-être, comme tu l’écrit page 26 de la méthode de nutrition “Penser la diététique, c’est associées sagesses et savoirs, idéal et contraintes, désirs et besoins dans une tentative de conciliation singulière, la notre et seulement la notre.”
    Changer d’alimentation par une réflexion diététique et non pas par un faux choix proposé par le conditionnements de la société (sorte de QCM).

    Comme tu l’écrit, “il est plus facile de changer sa manière de manger que sa manière de penser.” Ton article est intéressant pour ça c’est clair. Les conditionnements de la société nous fond être ce que nous sommes et les perspectives différentes sur ces mêmes conditionnements que peuvent fournir la culture sont indispensables.

    Et finalement à chercher un autre exemple que celui que tu donne sur l’alimentation pour mettre en relief changements de fonds et changements superficielles. Je me rend compte que je n’arrive pas à trouver de choix qui ne découle pas de connaissances, aussi futiles soit elles ( i-phone/samsung).
    Et je n’arrive pas non plus à trouver de choix qui viennent que de notre propre créativité ! On ne fait jamais que “remixer à notre sauce” nos influences pour ensuite produire quelques choses ?!

    Pour conclure parce que je m’embrouille 🙂
    Je n’arrive à voir qu’une question de degré dans l’importance des choix que nous faisons, pas de nature.

    Super article merci.

    Ps : Sur le conditionnements de la société néo-liberale. L’excellent livre de Jacques Généreux, “la dissociété”.

  5. Pour résumé pour moi c est
    Un admirateur qui vous veux du bien

  6. @ThibautRadier

    Je crois qu’Olivier parle de changement d’alimentation en tant qu’acte politique critique et non en tant qu’élément de stratégie de musculation. Ce qui est critiqué, ce n’est pas “changer d’alimentation”, c’est en faire la limite ultime du comportement rebelle critique de la société. Or, ce changement n’est qu’un élément et la culture (se cultver) permet d’en avoir d’autres pour opérer un vrai changement et ne pas être qu’une goutte dans l’océan.

    “Je me rend compte que je n’arrive pas à trouver de choix qui ne découle pas de connaissances, aussi futiles soit elles ( i-phone/samsung)”

    On s’appuie toujours les épaules de géants … Cela fait partie de la culture et de l’homme, animal politique. Penser qu’avec sa propre force, on puisse tout inventer, c’est faire de soi son propre maître et l’on sait que ceux qui s’engagent dans cette voie sont souvent les élèves d’imbéciles.

    La vie n’est pas que Samsung/Iphone ou droite/gauche tous les 5 ans, sinon c’est subir et non être acteur.

    1. Spooner, Je comprends ton premier paragraphe. Et c’est ce que je voulais dire quand j’écrivais “Je comprends que certaines personnes puissent s’enorgueillir d’un changement d’alimentation, tout en gardant leur téléphone portable à la main !”
      Croire avoir remis tout en cause parce que l’on a simplement changé d’alimentation, c’est évidemment superficielle. C’est ne s’appliquer un changement que parce que les conditionnements que la société nous propose, sont simplement plusieurs options qui nous font croire être libre des ces choix.
      Comme avoir les deux pieds dans le “jeu politique” en ce croyant en démocratie parce que l’on a le choix entre gauche et droite !!!
      C’est nous faire croire être libre de la réponse, quand la question est en fait un QCM ! Ok mais.

      Quand tu écrit “La vie n’est pas que Samsung/Iphone ou droite/gauche tous les 5 ans, sinon c’est subir et non être acteur.”
      Je pourrais te répondre, choisir entre une vie en accord avec la société néolibérale (Hobbes, Smith, Milton …) Et Choisir la décroissance (Georgescu-roegen, Ellul, Illich, Latouche…) C’est faire le choix entre deux vision de la vie fondamentalement différentes !!! Pour autant ce n’est pas, comme tu le dit “Penser qu’avec sa propre force, on puisse tout inventer”. Mais, s’appuyer “toujours les épaules de géants …”

      J’en reviens à ma conclusion du précédent post. Choisir entre Samsung/Iphone, ou entre néolibéralisme et décroissance. J’y vois plus une différence de degré que de nature. Même si je comprends bien que dans le premier cas, les connaissances permettant le choix sont le fruit d’un conditionnement. Alors que dans le second, c’est le fruit d’une réflexion, grâce aux connaissances acquises.

      Peut-être que j’ai du mal à comprendre le conditionnement ?!
      Cordialement.

  7. nous sommes ce que nous avons fait de ce que les autres ont voulu faire de nous!

  8. Degré/nature ??? Je ne comprends pas.

    Tu peux lire Hayek/Nozick/Rothbard avec recul critique et sortir du conditionnement.

  9. “Nous sommes ce que nous apprenons. Et ce que nous apprenons, ce sont les autres…” Tout est dit, donc même quand vous penser sortir d’un moule, vous rentrez dans un autre. Avoir la prétention qu’on sort d’un conditionnement est une illusion. Nous sommes des êtres sociaux et donc par définition nous avons besoin des autres, ou alors vous devenez un hermite. Par contre libre à nous de choisir le groupe qui nous convient le mieux et d’avoir un regard critique sur ce dernier. C’est le libre arbitre et en se sens la culture développe cette faculté. Rien que le fait de citer des auteurs ou des grands de ce monde, montre que la première phrase est une vérité essentielle. Partant de là, c’est à nous d’être conscients de ce que nous sommes (un système nerveux qui interprète des signaux électrique) et de voir la vérité… A l’échelle de l’univers, on ne vaut pas plus qu’une fourmi et encore pas besoin d’aller aussi loin, regardez les dernières actus du Népal… j’ai choisi de pratiquer la méthode lafay car c’est celle qui me convient le mieux et je ne pense pas sortir d’un moule, je suis rentré dans un autre, certes plus respectueux de mon corps mais un moule quand même. Pour finir je dirai juste que nous ne pouvons qu’essayer d’élever notre esprit et tenter de voir clair. Merci pour cet article et certains commentaires riches d’enseignement.

  10. Désolé pour les fautes, pas facile sur le téléphone

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