MTC (médecine traditionnelle chinoise) et Méthode Lafay, par Philippe Cottone (Part II)

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MTC (médecine traditionnelle chinoise) et Méthode Lafay, par Philippe Cottone (Part II)

Ceux qui parmi vous ont l’habitude de fréquenter ce site savent que la Méthode Lafay a été élaborée en se fondant, notamment, sur une vision de la stratégie propre à la culture chinoise. Si vous voulez en savoir davantage, je vous invite à lire (ou relire) mon introduction au premier article de Philippe Cottone : https://olivier-lafay.com/2014/05/26/mtc-medecine-traditionnelle-chinoise-et-methode-lafay-par-philippe-cottone-part-i/
Les articles de Philippe Cottone permettent une autre approche de cette singularité culturelle qu’est la Chine, telle que largement décrite et analysée par François Jullien.

 

Bonjour,

J’avais prévu, suite à mon premier article, d’aborder, toujours dans le cadre de la Méthode LAFAY, les fonctions d’un autre organe : la Rate.

Cependant, suite aux nombreuses questions soulevées par mon article sur le Foie, il m’a paru plus judicieux d’effectuer une présentation générale de la Médecine Traditionnelle Chinoise et de ses principes de base.

Avant tout, une rapide présentation de la MTC aujourd’hui :

  • La MTC est reconnue et soutenue par l’OMS
  • Elle est toujours médecine d’état en Chine, pays qui délivre des doctorats dans cette discipline aussi bien qu’en médecine occidentale
  • Au niveau Européen elle est généralement reconnue à quelques rares exceptions près dont la France
  • La France, n’étant pas à un paradoxe près, à créé un DU de MTC à l’université de Montpellier (le co-responsable de cette formation étant le Pr. Eric Marié, auteur du « Précis de médecine chinoise » dont j’avais donné les références en commentaire sur le blog)

Dans de nombreux pays, des services de MTC (et notamment à travers l’acupuncture) sont associés aux fonctions de cliniques et hôpitaux à travers le monde.

Ce tour d’horizon étant fait, abordons maintenant la discipline elle-même :

On pourrait définir, de façon globale et grossière, les caractéristiques principales de la MTC de la manière suivante :

C’est un système médical complet qui possède ses propres outils (acupuncture, Tui-Na, pharmacopée chinoise, ventouses, moxibustion et Qi Gong) et sa façon particulière d’interpréter les causes des maladies, de poser les diagnostics (ou bilans énergétiques) et de concevoir la physiologie.

 
La MTC, pour des raisons historiques et philosophiques, insiste beaucoup moins sur une description minutieuse de l’anatomie  (bien que parfaitement connue) et de la physiologie, que sur :

– les fonctions des Organes et les relations fonctionnelles inter-Organes

– les relations Organes – Aspects psychiques

Comme je l’avais souligné précédemment les fondements de cette médecine sont très anciens et repose sur des concepts philosophiques et une perception de l’univers très éloigné du modèle occidental.

La MTC repose globalement sur trois séries de concepts : la théorie du Yin et du Yang, les 5 éléments (la traductions plus exacte de Wu Xing serait “les 5 mouvements”) et les San Bao (les 3 trésors) que sont Jing (essence vitale), Qi (énergie, souffle de la vie) et Shen (esprit, conscience).

 

yin-yang noir-rougeA l’origine le symbole du Tao était noir et rouge : le feu et l’eau, ce n’est qu’avec l’arrivée de l’imprimerie qu’il est devenu noir et blanc.

 
 
 
 

Le Yin et le Yang

Parmi les piliers de la MTC la notion de Yin et de Yang est probablement le concept le plus important, le plus original, mais aussi le plus difficile à appréhender pour nous occidentaux.

Il s’agit d’un concept à la fois extrêmement simple et extrêmement puissant.

Les mentions les plus anciennes du Yin et du Yang sont probablement celles qui figurent dans le “livre des mutations” (Yi Jing ou Yi King) qui remonte aux alentours de 700 av. J.C1. La représentation Yin Yang se fait alors par des traits discontinus (Yin) et continus (Yang) le Tai Ji quand à lui représentant le Tao (ou Dao), le Tout.

La combinaison par deux de ces traits donne 4 couples, puis par 3 donne les 8 trigrammes.

 

yin yang

 

Enfin, les combinaisons possibles de ces trigrammes donnent 64 hexagrammes qui sont supposés symboliser tous les phénomènes possibles dans l’univers et montrent qu’en fin de compte, tous les phénomènes dépendent de ces deux pôles.

Ces combinaisons heurtent généralement notre logique occidentale qui repose sur l’opposition de contraires (logique aristotélicienne) : les contraires ne peuvent être vrais en même temps. Cette logique a dominé la pensée occidentale pendant près de 2000 ans.

Or, dans la conception chinoise, Yin et Yang représentent des opposés dont les qualités sont complémentaires. Chaque chose, chaque évènement peuvent être à la fois eux-mêmes et leur contraire.

Ajouté à cela, chacune de ces phases porte en elle un germe de la phase opposée (un peu de Yin dans le Yang et un peu de Yang dans le Yin) comme le symbolise les points dans le Tai Ji.

En terme de logique aristotélicienne ce qui est A peut aussi être non-A.

En résumé, Yin et Yang représentent deux oppositions ou complémentarités, dans un certain contexte et selon un certain point de vue qui sert de référent. Que ce soit par opposition ou par complémentarité ces deux aspects sont liés entre eux par la prise en compte du contexte et du point de vue choisi. Il ne s’agit donc pas d’un outil de classement mais de relativisation.

Toute opposition apparente représente une forme de complémentarité à un niveau plus profond.

 

Voici quelques exemples qui permettront de fixer ces principes :

Dans la nature :

  • Le jour est Yang par rapport à la Nuit qui est Yin.

  • En utilisant les bigrammes nous pouvons aussi dire que midi est Yang dans le Yang et minuit Yin dans le Yin. Le matin sera Yang dans le Yin (la nuit Yin, cède peu à peu la place au jour Yang) et l’après midi sera donc Yin dans le Yang.

  • Le printemps est Yang par rapport à l’hiver qui est Yin

  • Le chaud est Yang par rapport au froid qui est Yin

  • Le tiède est Yin par rapport au chaud qui est Yang, mais Yang par rapport au froid qui est Yin

Sur l’humain :

  • Référent d’espace : le thorax est Yang par rapport à l’abdomen qui est Yin. Mais la face antérieure sera Yin par rapport à la face postérieure, Yang.

  • Yin : interne, Yang : externe

  • Droite Yin, Gauche Yang (il est intéressant de noter que les idéogrammes gauche et droite intègrent clairement la notion de Yin et de Yang : gauche intègre le symbole du travail qui est Yang et droit intègre la bouche (qui mange les produits de la terre) qui est Yin)

D’un point de vue thérapeutique :

  • Nature de l’infection : Yang, chaude ou Yin, froide

  • Localisation : Yin interne, Yang externe

 

Si nous rapprochons ces principes de la méthode, il est tout à fait possible, par exemple, de définir une séance selon ses phases :

  • Echauffement : Yang dans le Yin (le pratiquant part d’un état de repos et monte progressivement à un état plus actif)

  • Phase d’exercices : Yang dans le Yang (état le plus actif de la séance)

  • Phase d’étirement : Yin dans le Yang (phase de redescente)

  • Repos complet : Yin dans le Yin

Il est également possible de détailler à niveau plus fin : pendant les exercices les phases d’exercice (actif) à proprement parlé seront Yang Yang Yang (Yang Pur) et les phases de repos seront Yin Yang Yang (Grand Yang, bien que l’on soit en phase très Yang il s’agit d’un repos : on introduit un peu de Yin).

 

yin-yang TrigrammesReprésentation du temps et des points cardinaux en Yin-Yang. Il est à noter que l’Est est à gauche car dans la tradition chinoise l’observateur n’est pas au centre (comme beaucoup de choses dans la conception occidentale) mais placé au Nord …

 

Dernier petit clin d’œil à la méthode : l’expression « mens sana in corpore sano » signifie tout simplement que votre Yang (Esprit) et votre Yin (Corps) sont équilibrés …

J’espère que ces quelques exemples ont permis de mieux appréhender l’un des piliers de la MTC.

Compte tenu de l’importance de l’autre pilier que sont les 5 mouvements (Wu Xing) il est plus sage d’y consacrer un article à part entière … Ce sera donc le suivant.

1 Par la suite, à l’époque des royaumes combattants (476-221 av J.C.), de nombreuses écoles de pensées ont vu le jour et notamment l’école du Yin-Yang qui s’est consacrée à l’étude du Yin et du Yang ainsi qu’à celle des cinq éléments. Cette école était également appelée “école naturaliste” car elle s’efforçait d’interpréter la nature de façon positive et d’utiliser ses lois en faveur de l’homme et non pas en essayant de la contrôler ou de la soumettre (tendance de la science occidentale moderne) mais en vivant en harmonie avec elle. Cette pensée a été ensuite transmise et complétée essentiellement par des écoles néo-confucianistes durant 3 dynasties (Song, Ming et Qing) pour aboutir à un une philosophie cohérente de la nature, de la morale, de l’ordre social et de l’astrologie.

 
Philippe COTTONE

Praticien en Médecine Traditionnelle Chinoise

168, Bd de la Croix-Rousse

69001 Lyon

http://www.simply-zen.com

Une réflexion au sujet de « MTC (médecine traditionnelle chinoise) et Méthode Lafay, par Philippe Cottone (Part II) »

  1. Il faudrait aussi faire un point sur le ping et le pong. Parce qu’un jour, un grand sage avait dit à Charles qu’en faisant du pingpong, il aurait pu être aussi musclé qu’avec la méthode …

    Je plaisante.

    Intéressant cette histoire de Yin et de Yang … C’est bien de permettre de sortir ce symbôle de la panoplie du jeune suiveur qui se prend pour un rebelle à foulard tête de mort et t-shirt Che Guevara.

    Une ostéo (vietnamienne, me semble t-il) travaillait là-dessus pour rééquilibrer les énergies du matin et du soir … C’est vrai que notre monde occidental rationaliste a du mal avec ces concepts qui lui praisse ésotériques. C’est donc intéressant de sortir du traitement du symptôme pour aller vers le traitement de la cause par le renforcement de l’harmonie … C’est donc une métamédecine …

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